LUNE – 12 jours –
93 % - conditions excellentes, aucune turbu, barlow uniquement
- Dis-moi, petit Dobson, dessine-moi
une Lune...
Une seconde de
voyage-lumière plus tard, nous voilà tous deux revenus sur les
lieux de notre premier crime, il y a quelques mois, lorsque nous
empruntâmes le rover laissé par la Nasa. La Terre depuis Séléné,
on ne s'en lasse décidément pas ! J'aperçois l'Europe noyée dans
les lumières ! De pollution lumineuse ici, il n'y en a pas. Nous
sautons dans la jeep et mettons plein gaz sur le terminateur, qui
offre ce soir une Lune de presque 12 jours à 93%. Le
regolithe s'envole sous les roues crantées et Mister Dob s'accroche
comme il peut aux barres du rover, retenant sa jupe qui manque
s'envoler (un peu de tenue tout de même !).
- on y est, bouffeur de photons ! En plein dans la Mer des Humeurs, magnifiquement éclairée.
Mister Dob ne bronche
pas, tout occupé qu'il est à tenter de se débarrasser sa barlow
d'une vilaine poussière. Car ce soir, aucune turbu, c'est incroyable
!
Autour de nous, dans un
silence sidéral, hurlent des cratères : le Doppelmayer,
presque entièrement noyé par une coulée de lave, le cratère de
Lee, dont les versants sont engloutis, ou, plus incroyable
encore, le fantômatique Puiseux, qui a tellement reçu
d'épanchements de laves que son cratère est rempli, laissant seule
la montagne centrale ne pas boire la tasse.
- brrr, c'est hostile par ici, siffle Dob. J'sais pas moi, je préfère des amas lumineux et les nébuleuses donneuses de vie.
- Arrête de te plaindre, profite du paysage, ce que tu peux être grognon quand tu ne manges pas assez de ciel profond !
Un coup d'oeil sur le
curieux fond convexe du cratère Mersenius, et le rover file
plein sud.
- Dob, je te propose de grimper dans le cratère le plus brillant de la Lune ! Il porte le nom d'un astronome grec qui, il y a déjà 2300 ans, avait proposé une vision héliocentrique de notre système solaire. Lequel est-ce ?
- Halioken koi ? Aucune idée ! J'ai le droit à l'appel à un ami ?
- Toi, à part bouffer du photon... c'est Aristarque ! Viens, on aura une belle vue de là-bas.
Du sommet du cratère
central, nous sommes émerveillés de ce coin de Lune : Herodote
et son fond sombre, la crevasse Toscanelli et la longue
chaine de montagnes Agricola.
- on peut y faire du ski ? jubile Dobson qui n'a pourtant jamais vu un seul flocon...
- mais non, beta ! Pas d'eau donc pas de glace à la surface de la Lune, peut-être en profondeur, qui sait ?
- Pas moi !
Le plus beau dans les
parages, c'est peut-être la Vallis Schröter, 160 kilomètres d'un
ancien tunnel de lave dont le plafond s'est effondré. Un peu comme
sur les volcans d'Hawaï, mais en bien plus grand ! Et ce soir, c'est
inmanquable !
- dis-moi, petit Dob, dessine-moi une Lune.
- Maintenant, je pourrais m'en sortir... Rentrons si tu veux bien, je commence à fermer mes oculaires de sommeil !
Et une seconde plus tard
nous revoilà sur la terrasse, laissant Séléné s'enfuir vers
l'Ouest, chanter les cigales et danser les étoiles autour de
Polaris...
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